(JO du 5 juillet 2005)


NOR : EQUT0501065D

Vus

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer,

Vu la directive 2002/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002
concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à
l'exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (vibrations) (seizième
directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE)
;

Vu le code du travail,
notamment son article L. 742-5 ;

Vu la loi du 13 décembre 1926 modifiée portant code du travail maritime ;

Vu l'avis du Conseil supérieur de la marine marchande en date du 9 mai 2005 ;

Vu l'avis de la Commission de prévention des accidents du travail des gens de mer en
date du 18 mars 2005 ;

Le Conseil d'Etat (section sociale) entendu,

Décrète :

Article 1er du décret du 4 juillet 2005

Les dispositions du présent décret sont applicables aux personnels employés à bord
des navires, exposés ou susceptibles d'être exposés de ce fait à des risques dus à
des vibrations mécaniques.

Article 2 du décret du 4 juillet 2005

I. Au sens du présent décret, on entend par :

  1. « vibration transmise aux mains et aux bras » : vibration mécanique qui, lorsqu'elle
    est transmise aux mains et aux bras chez l'homme, entraîne des risques pour la santé et
    la sécurité des personnes employées à bord, notamment des troubles vasculaires, des
    lésions ostéo-articulaires ou des troubles neurologiques ou musculaires ;
  2. « vibration transmise à l'ensemble du corps » : vibration mécanique qui, lorsqu'elle
    est transmise à l'ensemble du corps, entraîne des risques pour la santé et la
    sécurité des personnes employées à bord, notamment des lombalgies et des
    micro-traumatismes de la colonne vertébrale.

II. Les paramètres physiques caractérisant l'exposition aux
vibrations mécaniques sont définis comme la valeur d'exposition journalière aux
vibrations rapportée à une période de référence de huit heures.
Le mode de détermination de ces paramètres physiques ainsi que les méthodes à utiliser
pour le mesurage sont fixés par arrêté.

Article 3 du décret du 4 juillet 2005

I. La valeur limite d'exposition journalière rapportée à une
période de référence de huit heures est fixée à 5 m/s² pour les vibrations
transmises aux mains et aux bras et à 1,15 m/s² pour les vibrations transmises à
l'ensemble du corps.

II. La valeur d'exposition journalière, rapportée à une période de
référence de huit heures, déclenchant l'action de prévention est fixée à 2,5 m/s²
pour les vibrations transmises aux mains et aux bras et à 0,5 m/s² pour les vibrations
transmises à l'ensemble du corps.

Article 4 du décret du 4 juillet 2005

I. L'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des
personnes employées à bord des navires, effectuée en application du paragraphe III (a)
de l'article
L. 230-2 du code du travail
, détermine notamment la nature, la durée et le niveau de
l'exposition aux vibrations mécaniques auxquels ces personnes sont soumises. L'armateur
fait éventuellement procéder au mesurage de ce niveau d'exposition.

II. L'évaluation des risques prend en compte :

  1. L'observation des travaux spécifiques, des différents postes de travail,
    l'appréciation de la notion de confort ou d'inconfort au niveau des locaux de vie, et
    plus particulièrement des cabines des personnels ;
  2. Les informations fournies par le fabricant des équipements et par le constructeur du
    navire et toutes autres informations pertinentes relatives à la magnitude probable des
    vibrations générées par ces équipementss et le navire dans des conditions normales
    d'utilisation ;
  3. Si nécessaire, le mesurage par équipement, par poste, par zone, ou éventuellement
    global, du niveau d'exposition aux vibrations mécaniques auquel ces personnels sont
    susceptibles d'être exposés.

L'évaluation des niveaux de vibrations mécaniques et son éventuel mesurage sont
systématiquement effectués en cas de transformation majeure du navire, avec le concours,
le cas échéant, des médecins des gens de mer et les préconisations des inspecteurs du
travail maritime et des inspecteurs de la sécurité des navires et de la prévention des
risques professionnels.

III. Lorsqu'il procède à l'évaluation des risques, l'armateur prend
en considération les éléments suivants :

  1. Le niveau, le type et la durée d'exposition, en fonction du type de navigation, y
    compris l'exposition à des vibrations intermittentes ou à des chocs répétés,
    évalués ou mesurés conformément aux paragraphes I et II ci-dessus ;
  2. Les valeurs limites d'exposition ou les valeurs d'exposition déclenchant l'action de
    prévention fixées à l'article 3 du présent
    décret ;
  3. Toute incidence sur la santé et la sécurité des personnels embarqués
    particulièrement sensibles à ce risque, et notamment les jeunes de moins de 18 ans ;
  4. Toute incidence indirecte sur la sécurité des personnels, résultant des interactions
    entre les vibrations mécaniques du navire et d'autres équipements, notamment lorsque les
    vibrations mécaniques gênent la manipulation correcte des commandes ou la bonne lecture
    des appareils indicateurs ;
  5. Les renseignements fournis par les fabricants des équipements de travail conformément
    aux directives communautaires en la matière ;
  6. L'existence d'équipements de travail de remplacement conçus pour réduire les niveaux
    d'exposition aux vibrations mécaniques et susceptibles d'être utilisés en remplacement
    ;
  7. La prolongation de l'exposition à des vibrations transmises à l'ensemble du corps
    au-delà des heures de travail, par exemple lorsque l'activité amène les personnels
    employés à bord du navire à utiliser des locaux de repos exposés aux vibrations ;
  8. Des conditions de travail particulières, telles que l'exposition aux intempéries ou
    aux basses températures ;
  9. Les conclusions fournies par le médecin des gens de mer ou le médecin du travail
    chargé de la surveillance de la santé des personnes employées à bord.

Les résultats issus de l'évaluation des niveaux de vibrations mécaniques ou du
mesurage sont conservés sous une forme susceptible d'en permettre la consultation pendant
une durée de dix ans et tenus à la disposition des membres du comité d'hygiène, de
sécurité et des conditions de travail, des délégués du personnel ou des délégués
de bord, ainsi que du médecin des gens de mer ou du médecin du travail.
Ils sont également tenus, sur la demande, à la disposition de l'inspecteur ou du
contrôleur du travail maritime, et de l'inspecteur de la sécurité des navires et de la
prévention des risques professionnels.

IV. Lorsque les résultats de l'évaluation mettent en évidence des
risques pour la santé ou la sécurité des personnes employées à bord dus aux
vibrations mécaniques, l'armateur met en œuvre les mesures prévues par les articles 6, 7
et, sous réserve des prérogatives du médecin des gens de mer, 8 du présent décret.

Article 5 du décret du 4 juillet 2005

L'inspecteur du travail maritime peut mettre en demeure l'armateur de faire procéder
à un mesurage de l'exposition aux vibrations mécaniques des personnes employées à bord
par un expert d'un organisme agréé par le ministre chargé de la mer.

Les conditions et les modalités d'agrément de ces organismes sont fixées par un
arrêté du ministre chargé de la mer.

L'armateur justifie qu'il a saisi l'organisme agréé dans le mois suivant la date de
mise en demeure et transmet à l'inspecteur du travail maritime les résultats qui lui
sont communiqués dans les dix jours qui suivent cette transmission.

Le coût des prestations liées au mesurage de l'exposition aux vibrations est à la
charge de l'armateur.

Article 6 du décret du 4 juillet 2005

I. L'armateur prend des mesures de prévention visant à supprimer ou
à réduire les risques résultant de l'exposition aux vibrations mécaniques. Il tient
compte du progrès technique et de la disponibilité de mesures de maîtrise du risque à
la source, notamment lors de la conception et construction du navire. La réduction de ces
risques se fonde sur les principes généraux de prévention mentionnés au II de l'article
L. 230-2 du code du travail
.

II. Lorsque les valeurs d'exposition journalière déclenchant
l'action de prévention fixées au II de l'article 3
sont dépassées, l'armateur établit et met en œuvre un programme de mesures
techniques ou organisationnelles visant à réduire en dessous du seuil l'exposition aux
vibrations mécaniques et les risques qui en résultent.
Il prend notamment en considération :

  1. D'autres procédés de travail permettant de réduire les valeurs d'exposition
    journalière aux vibrations mécaniques ;
  2. Le choix d'équipements de travail appropriés, bien conçus sur le plan ergonomique et
    produisant, compte tenu du travail à effectuer, le moins de vibrations possible ;
  3. La fourniture d'équipements auxiliaires réduisant les risques de lésions dues à des
    vibrations, tels que des sièges atténuant efficacement les vibrations transmises à
    l'ensemble du corps ou des poignées atténuant efficacement les vibrations transmises aux
    mains et aux bras ;
  4. Des programmes appropriés de maintenance des équipements de travail et du navire ;
  5. La conception et l'agencement des lieux et postes de travail ;
  6. L'information et la formation adéquates des personnels afin qu'ils utilisent
    correctement et de manière sûre les équipements de travail, de façon à réduire au
    minimum leur exposition à des vibrations mécaniques ;
  7. La limitation de la durée de l'exposition dans les zones les plus exposées aux risques
    ;
  8. L'organisation des horaires de travail, prévoyant notamment des périodes de repos ;
  9. La fourniture aux personnels exposés de vêtements les maintenant à l'abri du froid et
    de l'humidité.

III. Si, en dépit des mesures mises en œuvre en application du
présent article, les valeurs limites d'exposition ont été dépassées, l'armateur prend
les mesures nécessaires pour ramener l'exposition au-dessous de celles-ci.
Il détermine les causes du dépassement des valeurs limites d'exposition et il adapte en
conséquence les mesures de protection et de prévention en vue d'éviter un nouveau
dépassement.

IV. L'armateur adapte, en liaison avec le médecin des gens de mer,
les mesures prévues au présent article aux personnels particulièrement sensibles à ce
risque.

V. Sauf cas de force majeure, l'exposition de l'ensemble du corps aux
vibrations dans les locaux de vie et de repos doit demeurer à un niveau compatible avec
les fonctions de ces locaux.

Article 7 du décret du 4 juillet 2005

Lorsque l'évaluation fait apparaître que des personnels employés à bord sont
exposés à des risques dus aux vibrations mécaniques, l'armateur ou l'employeur veille
à ce qu'ils reçoivent des informations et une formation en rapport avec le résultat de
l'évaluation concernant, notamment :

  1. Les mesures prises en application de l'article 6
    du présent décret en vue de supprimer ou de réduire les risques résultant des
    vibrations mécaniques ;
  2. Les résultats des évaluations et éventuellement des mesurages de l'exposition aux
    vibrations mécaniques effectués en application de l'article
    4
    du présent décret ;
  3. Les valeurs limites d'exposition et les valeurs d'exposition déclenchant l'action de
    prévention ;
  4. Les lésions que peuvent entraîner les vibrations, ainsi que l'utilité et la façon de
    dépister et de signaler les symptômes de ces lésions ;
  5. Les conditions dans lesquelles les personnels ont droit à une surveillance de la santé
    ;
  6. Les pratiques professionnelles sûres, permettant de réduire les risques dus à
    l'exposition à des vibrations mécaniques.

Article 8 du décret du 4 juillet 2005

I. Le médecin des gens de mer exerce une surveillance médicale
renforcée pour les marins exposés à un niveau de vibrations mécaniques supérieur aux
valeurs fixées au II de l'article 3.

II. Si un marin est atteint d'une maladie ou d'une affection
identifiable considérée par le médecin des gens de mer comme résultant d'une
exposition à des vibrations mécaniques, il est informé par le médecin des gens de mer
des résultats et de l'interprétation des examens médicaux dont il a bénéficié. Il
reçoit notamment des informations et des conseils concernant la surveillance de la santé
à laquelle il devra se soumettre après la fin de l'exposition.
L'armateur est informé de toute conclusion significative provenant de la surveillance de
la santé, dans le respect du secret médical.
L'armateur en tire toutes les conséquences utiles, et notamment procède à une nouvelle
évaluation des risques résultant de l'exposition aux vibrations mécaniques,
conformément à l'article 4 du présent décret,
et réexamine les mesures prévues pour supprimer ou réduire les risques conformément à
l'article 6 du présent décret. Il tient compte
de l'avis du médecin des gens de mer, de l'inspecteur du travail maritime et de
l'inspecteur de la sécurité des navires et de la prévention des risques professionnels
pour la mise en œuvre de toute mesure jugée nécessaire pour supprimer ou réduire
les risques, conformément à l'article 6 du
présent décret, y compris l'éventuelle affectation du marin à un autre poste ne
comportant plus de risque d'exposition.
Dans ce cas, le médecin des gens de mer détermine la pertinence et la nature des examens
éventuellement nécessaires pour les autres marins ayant subi une exposition semblable.

III. Les personnels embarqués n'exerçant pas la profession de marin
sont soumis à une surveillance médicale équivalente organisée dans le cadre du service
de santé au travail dont ils relèvent.

Article 9 du décret du 4 juillet 2005

L'armateur peut solliciter auprès de l'inspecteur du travail maritime une dérogation
à la valeur limite d'exposition aux vibrations transmises à l'ensemble du corps des
personnels embarqués.

L'inspecteur du travail maritime prend sa décision après avis du chef du centre de
sécurité des navires et du médecin des gens de mer ou du travail en charge de la
surveillance des personnels concernés.

Le dossier transmis à l'appui de cette demande doit notamment permettre de s'assurer :

  1. Que les règles de l'art ont prévalu lors de la construction du navire et que les
    caractéristiques propres de ce dernier ne permettent pas de se conformer à la valeur
    limite d'exposition bien que toutes les mesures techniques et organisationnelles possibles
    aient été préalablement prises ;
  2. De la consultation des personnels et de leurs représentants ;
  3. Des efforts entrepris afin de réduire les risques ;
  4. De la mise en place d'une surveillance médicale renforcée des personnes exposées aux
    vibrations mécaniques.

Cette dérogation est valable pour une durée maximale de quatre ans. Elle peut faire
l'objet d'un renouvellement dans les mêmes conditions.

Article 10 du décret du 4 juillet 2005

Pour la mise en œuvre des dispositions du présent décret, l'armateur tient à la
disposition de l'employeur des personnels n'exerçant pas la profession de marins
employés à bord et du médecin du travail chargés de leur surveillance toute
information nécessaire relative à l'évaluation des risques liés aux vibrations
mécaniques à bord, notamment les mesures effectuées.

L'armateur transmet copie de la dérogation accordée dans les conditions fixées à l'article 9, à la valeur limite d'exposition aux
vibrations transmises à l'ensemble du corps, à l'employeur des personnels embarqués
n'exerçant par la profession de marin, qui en informe le service de santé au travail
dont ils relèvent.

Article 11 du décret du 4 juillet 2005

Le présent décret entre en vigueur le 6 juillet 2005. Toutefois, les dispositions du
III de l'article 6 du présent décret ne sont
applicables qu'au terme d'une période transitoire de cinq ans, le 6 juillet 2010, lorsque
des équipements de travail qui ont été mis en service avant le 6 juillet 2007 ne
permettent pas de respecter les valeurs limites d'exposition, malgré la mise en
œuvre de mesures techniques tenant compte des derniers progrès et de mesures
d'organisation du travail. Un arrêté des ministres chargés du travail et de la mer,
pris avant le 6 juillet 2007, détermine les catégories d'équipements qui remplissent
ces conditions.

Article 12 du décret du 4 juillet 2005

Le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et le ministre des
transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer sont chargés, chacun en ce qui le
concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la
République française.

Fait à Paris, le 4 juillet 2005.

Dominique de Villepin
Par le Premier ministre :

Le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer,
Dominique Perben

Le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement,
Jean-Louis Borloo

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Décret
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