J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint l'instruction technique n° 115 du 2 mai 1985, définissant le rôle et les missions du médecin du travail à l'égard des salariées en état de grossesse.

Mes services sont bien entendu à votre disposition pour vous donner toutes précisions complémentaires qui pourraient vous être utiles.

Afin de vous permettre d'assurer la diffusion de cette instruction auprès des services de médecine du travail de votre région, des exemplaires vous en seront adressés prochainement en quantité suffisante.

Instruction technique n° 115 du 2 mai 1985 définissant le rôle et les missions du médecin du travail à l'égard des salariées en état de grossesse

Rappel réglementaire

Depuis son origine, la médecine du travail a été appelée à exercer une mission de surveillance médicale de certaines catégories de salariés, et notamment, des salariées en état de grossesse.

La réglementation de médecine du travail (article R. 241-50 du Code du travail), reprenant en cela des dispositions antérieures, assigne au médecin du travail la mission d'assurer une surveillance médicale particulière des femmes enceintes et prévoit, à cet effet, un temps de disponibilité médicale plus grand (article R. 241-32).

La loi du 23 décembre 1982 qui précise, à l'article L. 236-2 du Code du travail, les missions du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail, mentionne l'accès des femmes au travail et les problèmes liés à la maternité. L'article L. 236-5 donne au médecin du travail sa place dans les domaines de compétence du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail.

Compte tenu de ces dispositions législatives et réglementaires, ainsi que d'une meilleure connaissance scientifique des risques exogènes pour la grossesse, il apparaît maintenant possible de mieux définir le rôle et les missions du médecin du travail à l'égard des salariées en état de grossesse.
Il convient, toutefois, de préciser d'emblée que la mission de surveillance médicale particulière qui est la sienne concerne la salariée et les risques éventuels auxquels celle-ci peut être exposée pendant sa grossesse du fait du travail, mais non l'état de grossesse lui-même et son déroulement, dont la surveillance revient au médecin choisi par la salariée pour la suivre pendant cette période et veiller à son issue favorable.

Cependant, il va de soi que des liaisons peuvent être nécessaires entre médecin du travail et médecin traitant, notamment dans le cas de grossesses compliquées, pouvant nécessiter des arrêts de travail et que, dans ce cas, ces liaisons doivent se faire avec l'intervention et la participation de la salariée elle-même.

Rappel des connaissances scientifiques

Le rôle du médecin du travail, et les missions qui en découlent, est déterminé en tout premier lieu par les connaissances scientifiques actuellement disponibles.

Les risques pour la maternité dus à l'exercice d'une activité salariée sont encore insuffisamment connus. D'une manière schématique, on peut, toutefois, distinguer les risques toxicologiques dont l'effet pathogène peut s'exercer au cours de la première période de la grossesse et les risques dus à certaines conditions de travail dont l'effet risque de se manifester en fin de grossesse.

Les risques toxicologiques potentiels sont nombreux. Certains seulement peuvent être retenus avec plus de certitude, soit en raison d'arguments cliniques, soit du fait d'observations tirées de l'expérimentation animale. Il s'agit essentiellement des solvants, au premier rang desquels se placent le benzène avec ses dérivés, le sulfure de carbone, le tétrachlorure de carbone, le trichloréthylène, la méthyléthylcétone ; des métaux et métalloïdes, tels que le plomb, le mercure, l'arsenic ; enfin certains pesticides, comme les hydrocarbures chlorés.

Au premier rang des risques physiques se situent surtout les rayonnements ionisants, mais aussi la chaleur et les vibrations.

Les conditions de travail potentiellement dangereuses sont mieux connues. Il s'agit :
-  des efforts physiques intenses et répétés ;
-  de la station debout prolongée ;
-  du port de charges lourdes ;
-  de l'exposition aux trépidations.

Les déplacements aller et retour entre le domicile et le lieu de travail constituent un autre facteur de risque potentiel en raison de leur durée ou des conditions dans lesquelles ils sont effectués.L'ensemble de ces risques exogènes, s'ajoutant éventuellement à des facteurs de risques personnels, peut entraîner, selon la période de gestation considérée et la nature du risque, la perte du produit de conception, des malformations congénitales ou encore la prématurité et l'hypotrophie.Sont exclus de cette revue, nécessairement limitée, les facteurs de risque préconceptionnels, tant maternels que paternels, ainsi que les facteurs socioprofessionnels susceptibles d'intervenir, dans la mesure où des travaux de recherche sont encore nécessaires pour les uns ou lorsque les solutions à trouver se situent en dehors du milieu de travail pour les autres.

Avant d'examiner les missions du médecin du travail, il convient aussi de rappeler que si les facteurs potentiels de risques sont nombreux, leur expression pathologique résulte le plus souvent d'un mécanisme plurifactoriel et que leur fréquence reste en définitive peu élevée.

Toutefois, dans la mesure où peuvent être identifiées des causes de risques liées au travail ou aux conditions dans lesquelles il est effectué, même si elles paraissent peu nombreuses par rapport à d'autres, elles doivent faire l'objet d'une prévention médicale en milieu de travail, prévention qui relève tout naturellement du médecin de l'entreprise ou de l'établissement.Sa mission s'exercera par :
-  l'information des salariées en âge de procréer ;
-  la surveillance clinique de l'adaptation réciproque du travail et de la salariée compte tenu de l'état de grossesse ;
-  une action d'adaptation du travail pour supprimer ou limiter certains facteurs de risques ou de fatigue ;
-  une liaison avec le médecin qui suit le déroulement de la grossesse ;
-  dans le cas où des difficultés seraient apparues dans le déroulement de la grossesse ou son issue, des examens de reprises du travail orientés vers la recherche rétrospective de causes éventuelles de risques, en vue de leur prévention.

Action d'information

Dans le domaine aussi personnel que la maternité, l'information de salariées susceptibles d'être enceintes et, à plus forte raison en état de grossesse joue, plus qu'ailleurs, un rôle déterminant. Cette information doit être entreprise, dès l'embauchage, pour les postes de travail exposant à un risque et elle doit être rappelée ou réactualisée lors des examens cliniques ultérieurs. Il conviendra, en particulier, d'insister sur le fait que certains risques, notamment toxicologiques, peuvent intervenir précocement, alors que d'autres, telle la charge de travail, influent surtout en fin de grossesse.

En tout état de cause, il devra être précisé que plus tôt le médecin du travail sera informé de l'état de grossesse par la salariée, plus une action de prévention éventuellement nécessaire est possible. Mais l'information du médecin du travail sur l'état de grossesse appartient exclusivement à la future mère qui aura à en prendre l'initiative, si elle le juge utile, en fonction des informations qui lui auront été données auparavant.

Il y a lieu de rappeler que le médecin du travail est astreint au respect du secret professionnel sur l'existence d'un état de grossesse aussi longtemps que l'employeur n'en a pas été avisé par la salariée elle-même et que, au delà, ce secret persistera pour toutes les anomalies ou complications qui peuvent être liées à cet état.

Surveillance clinique pendant la grossesse

Dans la mesure où les femmes enceintes bénéficient d'une surveillance médicale particulière en milieu de travail, celle-ci peut s'exercer à l'initiative de l'intéressée ou du médecin du travail. Ce dernier sera juge de la fréquence et de la nature des examens qui pourraient être proposés à une salariée.

L'objectif de cette surveillance médicale particulière est de suivre la compatibilité du poste et les conditions de travail de la salariée avec le maintien d'un bon état de santé et un déroulement satisfaisant de la grossesse. Ce sera donc l'occasion pour le médecin de compléter ou de renouveler l'étude du poste et des conditions de travail et de poursuivre, s'il y a lieu, l'action d'information amorcée précédemment.

Adaptation du travail

Les mesures d'adaptation du travail aux salariés sont toujours difficiles à réaliser, qu'il s'agisse d'aménagements du poste ou des conditions de travail. Dans le cas de grossesse, le fait que ces aménagements ne sont demandés que pour une période de temps limitée devrait les rendre un peu plus aisés à réaliser, en particulier lorsqu'il s'agit de conditions de travail telles que les horaires, le port de charges, la station debout.

Les contraintes inévitables de certains postes peuvent même nécessiter que la salariée en état de grossesse soit temporairement affectée à un autre emploi. La réalisation pratique d'une telle mesure s'inscrit d'ailleurs dans le cadre des dispositions figurant à l'article L. 122-25-1 du Code du travail.
Les risques majeurs à prendre en compte sont les risques toxicologiques, à condition de pouvoir intervenir précocement, puis les risques physiques et surtout la charge physique et psychique de travail en fin de grossesse.

Liaison avec le médecin traitant

Les liaisons entre le médecin du travail et le médecin choisi par la salariée pour la suivre pendant sa grossesse relèvent de l'initiative de chacun de ces médecins, par l'intermédiaire de la salariée elle-même.

Elles seront motivées par les états de fatigue, les anomalies ou les complications, qui peuvent être en rapport avec le poste ou les conditions de travail, et susceptibles d'être observées par l'un ou l'autre de ces médecins.

En milieu de travail, ces liaisons peuvent être à l'origine de propositions d'aménagement du poste ou des conditions de travail ou de mutation temporaire, faites par le médecin du travail, pour tenir compte d'une modification de l'aptitude au travail, ou d'un risque pour la salariée ou son enfant à venir. Mais elles peuvent aussi aboutir, en cas d'état pathologique constaté par le médecin traitant, à un arrêt de travail prescrit par celui-ci, dans le cadre des dispositions de l'article 50 du décret du 29 décembre 1945, modifié par le décret du 18 janvier 1977.

Examen de reprise du travail

L'examen de reprise après interruption du travail pour cause de congé de maternité est prévu par l'article R. 241-51 du Code du travail.

A l'objectif général de cet examen, qui est d'apprécier l'aptitude à la reprise du travail antérieur et la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation, s'ajoute, dans le cas de reprise du travail après une maternité récente, la recherche d'une anomalie ou d'une pathologie néonatale qui pourrait être en rapport avec le travail effectué pendant la grossesse. Bien que la fréquence de ces anomalies ou de ces pathologies soit peu élevée, il est important de les mettre en évidence, d'une part, pour améliorer la prévention et exercer une surveillance particulière des situations de risques, d'autre part, apporter une contribution à de futures actions d'étude et de recherche.

A cette occasion également une action d'information et d'éducation pourra être développée.

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail

Afin de mettre le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en mesure d'assurer au mieux sa mission en matière de travail des femmes et de protection de la maternité, il importe que le médecin du travail apporte à cet organisme les connaissances générales dont il dispose et les informations spécifiques sur les risques et conditions de travail concernant la branche professionnelle, l'entreprise ou l'établissement concerné.

Ce sont, en effet, ces informations, susceptibles d'être prises en considération pour l'aménagement du poste et des conditions de travail, qui constituent l'un des domaines d'action du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.Le bilan annuel et le programme annuel de prévention des risques professionnels peuvent, le cas échéant, et en particulier dans les entreprises à forte prédominance de main-d'œuvre féminine, envisager ces questions.

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