(BO du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle n° 2002/18 du 5 octobre 2002)


NOR : MEST0210138C

Le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité à Madame et Messieurs les préfets de région ; Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ; Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ; Mesdames et Messieurs les inspecteurs du travail.

Mon attention a été appelée, à plusieurs reprises, sur la législation applicable en matière de durée du travail des jeunes travailleurs, notamment depuis la transposition de la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail par la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 et par l’ordonnance n° 2001-174 du 22 février 2001.

Des secteurs d’activité, tels que les hôtels, cafés, restaurants, le BTP et l’artisanat au sens large, sont particulièrement concernés par la législation spécifique en matière de durée du travail pour les jeunes, en tant qu’ils forment de très nombreux apprentis.

En outre, à l’occasion de la mise en place du dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise, il apparaît utile de préciser la législation applicable aux jeunes de moins de dix-huit ans.

La directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail pose un certain nombre de principes relatifs à la santé et à la sécurité des jeunes travailleurs, qui se traduisent, notamment, par une attention particulière en matière de durée de travail.

Cette directive opère des distinctions en fonction de l’âge des jeunes concernés. Ainsi, les « enfants » sont ceux d’entre eux âgés de moins de quinze ans, les « adolescents » ont entre quinze et dix-huit ans et les « jeunes » sont tous ceux de moins de dix-huit ans.

La législation française qui transpose cette directive reprend ces distinctions en termes d’âges différents et élargit le champ aux « jeunes de moins de dix-huit ans qui accomplissent des stages d’initiation ou d’application en milieu professionnel dans le cadre d’un enseignement alterné ou du déroulement de leur scolarité ».

La durée du travail des jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans est ainsi régie par des dispositions particulières qui suscitent différents questions, auxquelles la présente circulaire a pour objet de répondre.

1. Un encadrement précis de la durée du travail des jeunes de moins de dix-huit ans

En principe, l’âge d’entrée dans la vie active est de seize ans (art. L. 211-1).

Les jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans ne peuvent pas être occupés plus de 7 heures par jour et 35 heures par semaine, au maximum (art. L. 212-13).

Le repos quotidien est de 12 heures consécutives pour les jeunes et de 14 heures pour ceux de moins de seize ans (art. L. 213-9), contre 11 heures pour les autres salariés.

Par ailleurs, lorsque le temps de travail quotidien est supérieur à 4 h 30, les jeunes travailleurs de même que les jeunes stagiaires accomplissant des stages d’initiation ou d’application doivent bénéficier d’une pause d’au moins 30 minutes consécutives. Aucune période de travail effectif ininterrompue ne peut excéder une durée maximale de 4 heures et demi (art. L. 212-14).

Enfin, un repos hebdomadaire de 2 jours consécutifs est obligatoire (art. L. 221-4).

2.  Des dérogations sont toutefois possibles dans des cas particuliers

En application de la directive susvisée, des exceptions et/ou des dérogations sont toutefois possibles afin de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes.

a) Dérogations à l’âge minimum de seize ans :
- s’agissant des mineurs de moins de seize ans, les jeunes âgés d’au moins quinze ans peuvent souscrire un contrat d’apprentissage s’ils ont effectué la scolarité du 1er cycle de l’enseignement secondaire (art. L. 117-3) ;
- par ailleurs, des dispositions particulières existent s’agissant des enfants pouvant être engagés dans les domaines du spectacle et du mannequinat.

Sous réserve d’une autorisation individuelle préalable et du respect d’une procédure stricte, définie notamment aux articles L. 211-7 à L. 211-9, des enfants peuvent être engagés dans des entreprises de spectacle, de cinéma, de radiophonie, de télévision ou d’enregistrement sonore ou par des agences de mannequins.

Cette procédure vise à protéger ces enfants en s’assurant a priori des conditions dans lesquelles ils seront occupés.

Les jeunes de quatorze à seize ans peuvent effectuer, sous certaines conditions, des travaux légers pendant les vacances scolaires.

Ainsi, lorsque les vacances scolaires durent au moins 14 jours, sous réserve d’une déclaration préalable de l’employeur à l’inspecteur du travail (art. L. 211-1 et D. 211-1 à 6) et à condition qu’une période de repos d’une durée au moins égale à la moitié de chaque période de vacances soit accordée aux jeunes, les adolescents peuvent travailler au maximum 7 heures par jour et 35 heures par semaine (cf. le décret n° 2002-789 du 3 mai 2002 ayant modifié l’article D. 211-2).

Les élèves de l’enseignement général peuvent effectuer des visites d’information ou suivre des séquences d’observation en entreprise tandis que les élèves qui suivent un enseignement alterné ou professionnel peuvent accomplir, durant les deux dernières années de leur scolarité, des stages en milieu professionnel (art. L. 211-1). Un décret précisant les conditions de réalisation de ces stages est en cours d’élaboration par le ministère de l’éducation nationale.

a) Possibilité d’effectuer exceptionnellement 5 heures supplémentaires.

Les limites de travail quotidienne et hebdomadaire (7 heures et 35 heures respectivement) s’entendent comme des durées maximales. Toutefois, à titre exceptionnel, des dérogations peuvent être accordées, dans la limite de 5 heures par semaine, par l’inspecteur du travail après avis conforme du médecin du travail de l’établissement (art. L. 212-13).

Dès lors, le dépassement de la durée maximale quotidienne ou de la durée maximale hebdomadaire nécessite une demande d’autorisation.

Par exemple, l’application à un jeune d’une organisation du travail sur quatre jours et demi engendrant un dépassement de la durée quotidienne mais sans dépasser la durée hebdomadaire, est subordonnée au suivi de cette procédure.

Si la durée hebdomadaire est inférieure à 35 heures (ex : organisation sur quatre jours et demi), mais qu’il y a dépassement de la durée quotidienne, alors les 5 heures autorisées, le cas échéant, se décomptent quotidiennement.

En cas de dépassement de la durée hebdomadaire, hormis le cas de la dérogation aux deux jours de repos, il y a nécessairement, de fait, dépassement de la durée quotidienne. Le décompte des 5 heures autorisées se fait alors sur la semaine et inclut les heures de dépassement quotidien, qu’il ne convient pas de décompter à deux titres. Par exemple, une entreprise peut, dans le cadre légal, demander une dérogation lui permettant de réaliser 38 heures dans la semaine, avec trois jours de 8 heures et deux jours de 7 heures. Sont alors autorisées, le cas échéant, 3 heures au titre de la dérogation.

En revanche, s’agissant d’une entreprise dont l’organisation du travail se fait sur quatre jours, il n’apparaît pas possible qu’un jeune soit autorisé à travailler par exemple 9 heures les trois premiers jours de la semaine et 8 heures le dernier, cela excédant à la fois les 5 heures supplémentaires de dérogation exceptionnelle prévues par la loi et les objectifs posés par la directive de 1994.

Cette autorisation, exceptionnelle, est donnée en principe individuellement pour chaque jeune et est supposée être d’une durée limitée.

Néanmoins, il s’agit d’évaluer chaque demande au cas par cas. Par exemple, si un employeur demande une dérogation pour qu’un jeune travaille 8 heures par jour les 4 premiers jours de la semaine et 3 heures le vendredi matin disposant ainsi, en plus du repos de deux jours consécutifs d’une demi-journée supplémentaire, on peut considérer que ce cas puisse ouvrir droit à l’autorisation, même si cela vaut pour une année scolaire. Tel est le sens de la souplesse prévue par la circulaire DGEFP no 2000-26 du 17 octobre 2000 concernant les centres de formation des apprentis (CFA).

c) Dérogation au repos hebdomadaire de deux jours consécutifs

L’article L. 221-4 du code du travail dispose que les jeunes de moins de dix-huit ans (salariés ou stagiaires) bénéficient d’un repos de deux jours consécutifs.

Une dérogation est possible lorsque les caractéristiques particulières de l’activité le justifient et pour les jeunes libérés de l’obligation scolaire. Dans ce cas, les jeunes doivent bénéficier d’une période minimale de repos de 36 heures consécutives.

Deux possibilités de dérogation sont prévues : soit une convention ou un accord collectif étendu a défini les conditions de cette dérogation, soit, en l’absence d’un tel accord, un décret en Conseil d’Etat définit les conditions dans lesquelles cette dérogation peut être accordée par l’inspecteur du travail.

3. Certains modes d’aménagement du temps de travail apparaissent incompatibles avec le respect du droit de la durée du travail des jeunes

Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 22 février 2001, diverses questions se posent relativement à la possibilité pour ces jeunes de suivre concrètement le rythme de travail de l’entreprise. En particulier, le jeune apprenti suit le rythme de travail de l’entreprise dans laquelle il effectue son apprentissage, sous réserve, toutefois, des modalités spécifiques liées à son statut d’apprenti et à son âge.

Ces modalités spécifiques visent en particulier, comme le considère à plusieurs reprises la directive 94/33/CE relative à la protection des jeunes au travail, à assurer aux jeunes des conditions de travail adaptées à leur âge et à promouvoir un meilleur niveau de protection pour ces derniers, tant du point de vue de leur sécurité que de leur santé. L’intervention d’une durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire spécifique pour les jeunes est une des dispositions prévues par cette directive.

C’est pourquoi, il ne semble pas possible d’appliquer une modulation du temps de travail aux jeunes qui entraînerait un dépassement régulier de la limite hebdomadaire de 35 heures. En effet, une telle modalité d’aménagement du temps de travail suppose par définition que certaines semaines comptent plus de 35 heures, en raison de la moyenne annuelle de 35 heures. Cela supposerait, en outre, de demander l’autorisation de faire effectuer des heures supplémentaires structurelles, le risque étant même de dépasser les 5 heures maximum pouvant être accordées à titre exceptionnel.

4. Les équivalences peuvent s’appliquer aux jeunes lorsqu’ils travaillent dans l’entreprise

La question de la compatibilité entre les durées maximales quotidienne et hebdomadaire telles qu’elles résultent de l’ordonnance du 22 février 2001 pour les jeunes et l’existence d’un régime d’équivalence pour certaines catégories d’emplois dans certaines professions se pose différemment selon que le jeune est en CFA ou en entreprise.

L’interprétation des textes, qu’il s’agisse des semaines en CFA ou en entreprise, est inchangée. Pour les semaines en CFA, l’horaire d’équivalence ne peut être opposé aux apprentis relevant d’une branche d’activité où un horaire d’équivalence est en vigueur. En effet, ce régime est justifié par l’existence de périodes d’inaction qui n’existent pas durant l’enseignement suivi en CFA.

S’agissant des semaines en entreprise, l’application des équivalences aux jeunes est déjà prévue et n’est pas remise en question par l’ordonnance du 22 février 2001 qui a abaissé la durée maximale de 39 heures à 35 heures. En effet, dans les secteurs où un décret en Conseil d’Etat ou un décret simple après conclusion d’un accord de branche a été pris pour valider un tel régime, la durée maximale de 35 heures pour les jeunes est respectée si ces derniers effectuent un temps de présence équivalent à 35 heures, compte tenu des périodes d’inaction.

Cette application de l’équivalence aux jeunes vaut pour les jeunes de plus de 16 ans, apprentis ou travailleurs, mais non pour les stagiaires et pour les adolescents effectuant des travaux légers pendant les vacances scolaires.

Par ailleurs, l’existence d’une durée maximale quotidienne spécifique ne saurait être remise en cause. C’est pourquoi, il convient de proratiser la durée quotidienne en fonction de l’horaire d’équivalence. A titre d’exemple, dans une entreprise du secteur des HCR où la durée de présence est de 41 heures hebdomadaires, un jeune pourra travailler lui aussi 41 heures et au maximum 8 h 12 par jour dans ce cas précis, compte tenu des deux jours de repos consécutifs.

Enfin, les jeunes, comme les autres salariés, s’ils sont à temps partiel, ne sont pas soumis à des horaires d’équivalence.

5. Des dispositions particulières existent en matière de travail de nuit

Le principe général régissant le travail de nuit pour les jeunes est son interdiction. Cette dernière est totale entre 20 heures et 6 heures du matin pour les enfants et adolescents de moins de seize ans et entre 22 heures et 6 heures pour les jeunes de moins de dix-huit  ans qu’ils soient salariés ou stagiaires (art. L. 213-7 et L. 213-8).

Des dérogations existent toutefois à titre exceptionnel.

Ainsi, pour les établissements commerciaux et ceux du spectacle, l’inspecteur du travail peut accorder une dérogation à titre exceptionnel.

Par ailleurs, le décret no 88-121 du 4 février 1988 a prévu les conditions dans lesquelles les apprentis boulangers, de plus de 16 ans, peuvent être autorisés à travailler avant 6 heures du matin, mais au plus tôt à partir de 4 heures (art. R. 117 bis-1 à 3).

6. Les jeunes et le travail du dimanche

L’ordonnance du 22 février 2001 prévoit un droit au repos de deux jours consécutifs. Les circulaires DRT des 22 octobre 1975 et 10 mai 1995 ont précisé la législation applicable en matière d’emploi des apprentis le dimanche, particulièrement dans des secteurs tels que la boulangerie, la pâtisserie ou la restauration.

Conformément à la circulaire n° 95-328 du 10 mai 1995, dans les entreprises bénéficiant d’une dérogation de droit commun pour le travail du dimanche, les apprentis, dans la mesure où ils suivent le rythme de l’entreprise, peuvent travailler ce jour précis. Cela ne remet toutefois pas en cause l’obligation d’accorder deux jours de repos consécutifs aux jeunes de moins de dix-huit ans. Ces jours pourront être accordés pendant la semaine mais une attention particulière devrait exister en ce qui concerne les week-ends encadrant les semaines d’apprentissage en CFA. Les jeunes apprentis devraient être en repos durant ces week-ends précis afin de respecter effectivement l’obligation des deux jours de repos hebdomadaire.

Dans le souci d’apporter aux jeunes de moins de dix-huit ans une protection particulière eu égard à leur jeune âge, je vous demande de veiller à l’application de la présente circulaire et de me faire savoir les difficultés que vous pourriez éventuellement rencontrer en contactant la direction des relations du travail, bureau de la durée et de l’aménagement du temps de travail (NC 2, tél. : 01-44-38-26-15 ; télécopie : 01-44-38-26-23).

Le directeur des relations du travail,
J.-D. Combrexelle
 

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